Étude de l’oeuvre de Charles Carson un nouvelle isme… Par Louis BRUENS
Nous avons là une peinture nouvelle qui s’inscrit véritablement dans le courant de l’art contemporain mais sous une forme accessible à tous. Rien n’est laissé au hasard, les rapports entre l’artiste et la nature sont immédiatement définis, mais, curieusement, il reste toujours un ou plusieurs éléments soigneusement et étrangement dissimulés dont la présence sera pourtant graduellement révélée au spectateur réceptif…et patient. La parfaite coordination des plans, la synthèse du rythme, l’organisation des dynamiques et l’éclat de la palette de Carson ne sont pas sans rappeler les meilleurs et merveilleux tableaux de Riopelle des années 50 et 60. À mes débuts dans la profession, vers 1959, j’eus un coup de foudre, mais alors un véritable coup de foudre, pour l’oeuvre de deux artistes du Québec: Marc-Aurèle Fortin et Riopelle; tous deux artistes peintres de grande valeur: deux écoles,deux formes de pensée et deux écritures picturales bien loin l’une de l’autre, mais la beauté de leur art était en soi une promesse de succès. Depuis, j’ai rencontré beaucoup d’artistes, de bons, quelques excellents et beaucoup d’autres et je ne me prononce publiquement que très rarement sur la qualité des oeuvres, mais cette fois, je ne peux m’empêcher de crier mon enthousiasme suscité par ce nouveau, et probablement dernier coup de foudre: la peinture de Charles Carson. Sur le plan de l’investissement, ce qui était vrai il y a vingt ans est toujours vrai aujourd’hui et même plus vrai que jamais. Dans le livre « lnvestir dans les oeuvres d’art », que je publiais en 1978, j’écrivais: « On découvre deux formes d’investissements: l’investissement esthétique, et ce qui ne gâte rien, l’investissement financier… » et j’ajoutais, en parlant de collections: « De véritables fortunes se sont édifiées par l’adjonction systématique de tableaux ». En 1976, à un actionnaire qui s’inquiétait des achats de tableaux, David Rockefeller rétorqua de façon cinglante: «Ces investissements ont coûté 500 000 $ dollars et valent aujourd’hui plus de 3 millions. Connaissez-vous un secteur plus rentable? » Les Rockefeller ne sont pas des apprentis dams l’art d’investir et de faire de l’argent. En ce qui concerne leurs collections d’oeuvres d’art, us ne s’intéressaient probablement qu’aux artistes qui offraient les meilleures garanties de succès sur le marché de l’art, et donc aussi sur le plan de l’investissement. À mon avis, Charles Carson est, de nos jours, l’artiste type recherché par ce genre d’investisseurs. |
Pour Charles Carson, peindre relève d’un besoin presque viscéral, mais il refuse la complaisance, notamment celle de créer de l’imagerie populaire pour plaire à n’importe quel prix et à n’importe qui. Je me dois de répéter que l’art de Charles Carson n’est pas un art abstrait et s’il est ainsi considéré par certains spécialistes, il leur faudrait ajouter qu’il s’agit d’une abstraction d’un degré bien moindre que l’abstraction pure. Les formes figuratives très reconnaissables sont plongées dans un univers de configurations relativement indéfinies peut-être, mais toujours en relation directe avec les éléments dominants. L’artiste a le droit inaliénable, accordé au créateur, de transformer l’image concrète qu’il voit en une image différente, suscitée par son sens particulier de l’esthétique et Carson ne se prive vraiment pas de cette vérité; il traduit des sensations qui ne sont connues que de lui et tente, dans chacun de ses tableaux, de nous faire partager son univers coloré de rêves, de pensées et d’émotions. Naturellement, je crois que seuls quelques privilégiés de la nature, esthètes de père en fils sans doute, pourront vraiment pénétrer ce monde secret qui habite ce peintre-créateur. Ces gens là ont déjà accepté… de refuser les fades et perpétuelles images peintes, sans résonance et sans joie, qui font pourtant encore les murs de nombreux petits salons de beaucoup de… petites gens. |
Charles Carson s’est imposé une règle de base des ses débuts dans le monde mystérieux de la peinture, c’est-à-dire, vers 1978: celle de ne pas pénétrer le marché de l’art avant d’avoir atteint son objectif : créer une peinture nouvelle et sans ressemblance directe avec un genre ou un style existant ou ayant existé. II s’est donc obligé à plus de 14 années de recherche, d’expérimentation, de discipline, avant de découvrir, sans jamais donner dans la facilité, cette écriture picturale colorée, lumineuse et impétueuse qui est sienne aujourd’hui. Les compositions chromatiques de Charles Carson, puissantes et fascinantes nous rappellent ce qu’écrivait Kandinsky en 1910 dans son « Uber das geistige in der kunst » (Du spirituel dans l’art): La puissance des couleurs, dans un tableau, doit attirer avec force le spectateur et, en même temps, dissimuler le contenu profond. » Les couleurs de la palette de Carson ne dissimulent pas, elles révèlent lentement, avec autant de profondeur, ce qu’elles semblaient cacher au premier abord et réussissent à maintenir encore toute l’attention du spectateur qui, plus ou moins consciemment, poursuit sa recherche d’éléments nouveaux. |