L’art, c’est de l’or…

Le journal de Montréal – Section votre argent – Vendredi 01 juin 2007

Le journal de Montréal
Section votre argent

Vendredi 01 juin 2007

Par Martin Bisaillon

L’art, c’est de l’or…

Le marché canadien est en pleine ébullition

Tout comme les marchés financiers, le marché de l’art connaît en ce moment une hausse vertigineuse au Canada : une affaire de 200 millions de dollars par an.

«Le marché canadien est très actif. On vogue de record en record», analyse Paul Maréchal, professeur spécialisé dans le marché de l’art et conservateur d’une prestigieuse collection d’entreprise.

«Mais il n’a pas encore atteint son sommet parce que les ventes les plus récentes sont toujours à la hausse», prévient-il.
D’après M. Maréchal, les résultats des ventes aux enchères des principaux encanteurs canadiens se sont chiffrés à environ 100 M$ l’an dernier.
«Il y a certainement l’équivalent en galeries», estime-t-il, pour un total de 200 M$.
Cette somme ne tient pas compte des transactions privées qui sont réalisées entre passionnés, à l’insu du public et du fisc.

Croissance

L’année 2006 a été particulièrement fertile pour le marché, qui a connu une hausse de 27% par rapport à 2005.
«Le marché de l’art suit la courbe économique. Ça ne va pas s’effondrer, mais ça ne peut rester à ce sommet tout le temps», analyse Tania Poggione, de la Maison d’encan Heffel, la plus grande au Canada.
Celle-ci a réalisé des ventes de 22,3 M$ d’oeuvres canadiennes en 2006.
« Quand je suis arrivé chez Sotherby’s en 2000, nos ventes d’oeuvres d’art canadiennes montaient à 1,5 M$ annuellement. «En 2006, nous avons vendu pour 15,6 M$, se réjouit David Silcox, président de la filiale canadienne de la célèbre maison de ventes aux enchères britannique fondée en 1744.

D’après Anthony Westbridge, auteur du Canadian Art Sales Index, l’engouement actuel s’explique du fait que les oeuvres qui arrivent sur le marché sont «fraîches». Elles émanent essentiellement du Groupe des 7 (années 1920) ou de Riopelle (après la Deuxième Guerre mondiale).

La disponibilité de ces oeuvres sur le marché canadien coïncide avec l’apparition de nouveaux riches.
«Il y a une nouvelle donne dans le marché : les acheteurs de l’Ouest canadien qui s’enrichissent grâce au boom pétrolier. Ils sont riches et ont de l’intérêt pour l’art canadien», constate Paul Maréchal.

Le journal de Montréal – Section votre argent – Vendredi 01 juin 2007

Des sommes records

Le 20 novembre, des tableaux canadiens se sont envolés pour des sommes records à une vente aux enchères tenue sous l’égide de Ritchies/Sotherby’s, à Toronto.
Sur 191 lots évalués en tout à environ 5 M$, 171 ont trouvé preneurs pour la somme de 7 402 000$.
Parmi les oeuvres prisées, un tableau de Tom Thomson, Burnt Area with Ragged Rocks, a été vendu 934 000$.L’esquisse à l’huile était pourtant évaluée entre 150 000$ et 250 000$.
Le même mois, la maison d’encans Heffel a vendu un Jean Paul Riopelle pour la somme de 1 667 500$, le plus haut montant lors d’une vente aux enchères canadienne.
Ces deux records n’ont pas tenu longtemps. Le 23 mai dernier, la maison Heffel a établi un nouveau sommet canadien pour une vente aux enchères, soit 22,8 M$.
Une oeuvre de Lawren Harris a été le clou de la soirée qui se tenait à Vancouver. Elle s’est vendue 2 875 000$, éclipsant ainsi la marque de Riopelle.

Les experts croyaient bien, lundi soir dernier, que ce record serait recouvré par le célèbre peintre québécois lors d’un encan de Ritchies/Sotherby’s tenu à Toronto. Une de ses toiles, La forêt ardente, évaluée entre 2,0 M$ et 2,5 M$, y était offerte. Elle n’a cependant pas trouvé preneur : l’enchère s’est arrêtée à 1,6 M$. Selon un analyste ayant assistée à l’encan, l’évaluation du tableau était trop élevée.
Peu-être est-ce là le signe que les acheteurs à ce niveau ne sont pas dupes de la valeur réelle des oeuvres sur le marché ? Ou alors est-ce le signe d’une accalmie dans le monde des arts?

INVESTISSEMENT
Les entreprises s’intéressent à l’art… et au fisc

La plupart des grandes compagnies québécoises possèdent une collection privée, par amour de l’art… et pour des raisons fiscales.
«Plusieurs entreprises ont des collections. C’est prestigieux, cela va créer un bel environnement pour leur employés et enfin, c’est bénéfique fiscalement», explique Paul Maréchal, conservateur de la collection d’une grande entreprise depuis 16 ans.
En effet, le système fiscal encourage fortement l’achat d’oeuvres canadiennes sur le marché primaire.
Par exemple, une oeuvre acquise par une compagnie ou un professionnel est à 10% déductible de l’impôt fédéral à sa première année. Les années suivantes, sa valeur résiduelle est déductible à 20% jusqu’à un remboursement complet : la bonne affaire!
«En dix ans, un tableau prend de la valeur. Un Riopelle peut doubler ou tripler durant cette période», évalue M. Maréchal.

Partenaires des musées

Les entreprises possédant des collections ont un véritable impact sur le marché de l’art.
La Banque Nationale, par exemple, n’achète que des oeuvres canadiennes, dont 90% sont québécoises.

«Nous voulons des œuvres marquantes pour encourager le marché et garder le patrimoine en vie», explique Jo-Ann Kane, conservatrice de la collection de la banque, qui compte 7 000 oeuvres.
Enfin, les oeuvres des collections d’entreprises sont prêtées régulièrement à des musées.

LES PLUS IMPORTANTES

Power Corp. : Art historique qui s’arrête en 1965; des centaines d’oeuvres.
Loto québec : Art québécois de 1980 à nos jours; près de 3 700 oeuvres.
Banque Nationale : Art canadien de 1895 à nos jours; 7 000 oeuvres.
Hydro Québec : Art québécois de 1962 à nos jours; 900 oeuvres.

LES MEILLEURS VENDEURS CANADIENS DE L’HISTOIRE

Source : Canadian price auction index, 2006

1 – Lawren S. Harris 41 116 930 $
2 – Jean Paul Riopelle 39 384 806 $
3 – Alexander Young Jackson 22 185 972 $
4 – Cornelius Krieghoff 21 791 650 $
5 – Emily Carr 21 392 543 $